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En octobre 2011, Hérodote publiait une Géopolitique du Sahara, ce qui signifie que les articles avaient été écrits au printemps, soit au début du conflit libyen et avant la mort du colonel Khadafi. Cependant, les auteurs de l’article sur la Libye (Moisseron et Daguzan) insistaient déjà sur les dangereuses conséquences du vide que créerait la disparition, selon eux inéluctable, du « guide » libyen, en Libye bien sûr, mais aussi dans l’espace sahélo-saharien, analyse pour le moins pertinente au vu des événements qui ont suivi. Rappelons la lourde responsabilité de Nicolas Sarkozy, président de la République à cette époque, et de David Cameron, Premier ministre britannique, dans l’intervention armée occidentale en Libye. Cette décision d’intervenir fut prise rapidement sur une analyse géopolitique des rapports de force locaux partielle, voire partiale, et fut d’ailleurs très critiquée par les chercheurs connaisseurs de la Libye.

Quant à la zone sahélo-saharienne, sa situation géopolitique s’est trouvée aggravée par le chaos libyen : guerre au Mali, tensions au Niger et au Tchad, extension et multiplication des groupes djihadistes, rivalités accrues entre tribus et/ou entre clans.

En 2011, Hérodote avait choisi comme titre Géopolitique du Sahara même si on y traitait aussi du Sahel car, dans les médias, la référence au Sahel était rare à ce moment-là. Désormais, l’expression « zone sahélo-saharienne » ou « bande sahélo-­saharienne » est couramment employée surtout depuis l’opération Barkhane qui s’étend sur l’ensemble des cinq pays francophones du Sahel et qui a pris le relais en août 2014 de l’opération Serval limitée au Mali. La France se trouve donc fortement impliquée dans le règlement de cette situation géopolitique très compliquée, conséquence de son passé colonial et des accords militaires passés avec les États sahéliens depuis leur indépendance. Ainsi, c’est à la demande du gouvernement malien que l’armée française est intervenue en janvier 2013 (opération Serval) pour arrêter l’offensive vers le sud de groupes armés islamistes qui avaient pris le contrôle de l’Azawad, région nord du Mali, après avoir aidé la rébellion touareg renforcée aussi par le retour de Libye de combattants bien équipés. Si l’armée française a enrayé l’avancée des combattants islamistes vers le sud, l’ensemble des États sahéliens est loin d’en avoir fini avec la lutte contre le terrorisme djihadiste, objectif difficile à atteindre avec 4 500 soldats qui doivent couvrir un immense territoire (plusieurs milliers de km2), même associés à d’autres armées combattantes (Minusma : mission de stabilisation de l’ONU, armées nationales et forces du G5 Sahel : Mauritanie, Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad). Certains se demandent même si ces interventions armées, en déstabilisant la vie économique locale du fait de leur présence, ne facilitent pas le recrutement des groupes islamistes locaux. Les succès militaires associés à la mort de plusieurs combattants djihadistes et de leurs chefs se trouvent annihilés par la noria des recrutements pour des raisons autres que religieuses (souvent des nécessités économiques). Mais les terribles attentats de l’année 2015, suivis de ceux de 2016 et du dernier en date en décembre 2018 à Strasbourg continuent légitimement d’inquiéter les autorités, ce qui les poussent à maintenir l’opération Barkhane. En fait, son maintien est lié à des raisons géopolitiques, à savoir empêcher les djihadistes de s’emparer des pays saharo-sahéliens et de déstabiliser une vaste région peu éloignée de l’Europe.

L’approche géopolitique s’avère particulièrement efficace pour rendre compte de la complexité de la zone sahélo-saharienne. En effet, il est nécessaire de dépasser l’explication du conflit religieux djihadistes. Pour ce faire, il faut analyser finement les spécificités des conflits locaux et les contextes politiques, économiques, sociaux, culturels dans lesquels ils se développent (faiblesse des États, corruption massive, armée plus ou moins compétente, pauvreté, pression démographique, etc.). Prendre en compte leur histoire pour comprendre comment des conflits anciens, quelques fois religieux, sont réactivés afin de mobiliser les populations et de les impliquer dans le combat. Il faut aussi bien connaître la complexité des différents groupes, tribus ou clans, parfois transfrontaliers, leurs alliances et affrontements, et c’est pourquoi on ne peut se contenter d’opposer agriculteurs sédentaires et pasteurs nomades, lecture bien trop simple et donc fausse qui empêche d’évaluer correctement les rapports de forces locaux et leur caractère instable sur le terrain. On mesure alors combien l’intervention d’armées extérieures s’avère difficile. Quelle que soit la qualité des hommes engagés sur le terrain et celle des officiers qui les encadrent, il n’est pas facile d’identifier les groupes sur lesquels s’appuyer afin d’obtenir des renseignements fiables pour lancer une offensive efficace, en plus dans un environnement naturel particulièrement rude.

C’est à établir un diagnostic géopolitique précis de cette zone que se sont attachés les excellents chercheurs qui ont participé à ce numéro, diagnostic qui est le résultat de leurs nombreuses enquêtes de terrain, ce dont Hérodote les remercie, et tout particulièrement Emmanuel Grégoire qui a conduit ce numéro.


L’institut Français de Géopolitique offre des formations de master intenses, exigeantes et passionnantes !

Hérodote est historiquement liée à la formation en géopolitique (master et doctorat) de l’Université Paris 8 — Vincennes - Saint-Denis, l’Institut Français de Géopolitique (IFG) où ont enseigné son fondateur Yves Lacoste, sa directrice Béatrice Giblin (également fondatrice de l’IFG), et une partie importante de l’équipe de la revue.

La première année est consacrée à la formation à et par la recherche, qui est au cœur du projet intellectuel et citoyen de l’École France de Géopolitique. Les étudiants et les étudiantes doivent écrire un mémoire de recherche d’une centaine de page appuyé sur une enquête de terrain d’un mois en autonomie. Un accompagnement fort leur est proposé pour favoriser leur réussite durant cette année si différente de leurs expériences précédentes.

En seconde année, quatre spécialisations professionnalisantes sont possibles : géopolitique locale et gouvernance territoriale, géopolitique du cyberespace, nouveaux territoires de la compétition stratégique, analyse des risques géopolitiques et environnementaux. Toutes ces spécialisations sont ouvertes à l’alternance, et la majorité des étudiants et des étudiantes a désormais un contrat d’apprentissage. Celles et ceux qui souhaitent faire une seconde année de recherche le peuvent, notamment en préparation d’un projet de doctorat.

Avec 85 places en première année, le master de l’IFG offre aussi une véritable vie collective de promo, animée notamment par une association étudiante dynamique. Les étudiantes et étudiants viennent de nombreuses formations et disciplines, notamment : géographie, d’histoire, de droit, de sociologie, de science-politique, Économie et gestion, langues (LLCE/LEA) ou de classes préparatoires.

Les candidatures en première année de master se font exclusivement via la plateforme nationale monmaster.gouv.fr du 26 février au 24 mars 2024. Toutes les informations utiles se trouvent sur le site www.geopolitique.net. En deuxième année, les candidatures doivent passer par le site de l’Université. L’IFG n’offre pas de formation au niveau licence.

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