Quand le Sahel central rencontre l’Afrique centrale, réflexions géopolitiques sur le conflit centrafricain

par Thierry Vircoulon

Résumé :

Le conflit centrafricain n’est pas seulement l’aboutissement final de trente ans de mauvaise gouvernance structurelle depuis la démocratisation ratée des années 1990. Il est aussi et surtout le révélateur d’évolutions géopolitiques : l’effritement graduel des États tchadien et soudanais et le glissement des communautés pastorales du Sahel central jusqu’à la forêt congolaise. Ces évolutions ne se contentent pas de plonger le territoire centrafricain dans l’anarchie, elles sont en train de recomposer l’Afrique centrale.

L’implication croissante des miliciens tchadiens et soudanais dans les conflits centrafricains depuis le début de ce siècle met en évidence à la fois la faible emprise des régimes soudanais et tchadien sur leurs turbulentes périphéries, la gouvernance de ces territoires par compromis avec des bandes armées et la formation d’un vaste espace de banditisme régionalisé qui englobe maintenant le territoire centrafricain.

Le fait que le pastoralisme soit devenu un enjeu de sécurité majeur en Centrafrique traduit une nouvelle régionalisation de l’espace pastoral : les communautés du Sahel central glissent vers l’Afrique centrale. Alors qu’il était encore saisonnier et temporaire à la fin du siècle dernier, le mouvement du bétail et des hommes en provenance du Sahel central donne maintenant lieu à un nouveau front pastoral au nord de la République démocratique du Congo et modifie le peuplement du nord et de l’est de la Centrafrique. Cette nouvelle migration climatique nord-sud recompose discrètement mais profondément la géopolitique régionale : elle entretient des guerres de terroirs loin dans la brousse, introduit l’islam dans de nouveaux territoires et est vécue comme une invasion par les communautés autochtones. En remettant en cause la frontière invisible écologique, religieuse, sociale, politique et économique séparant l’Afrique sahélienne et l’Afrique centrale, le glissement vers le sud des éleveurs sahéliens va exacerber la conflictualité actuelle.

Abstract : When Central Sahel meets Central Africa, geopolitical thoughts on the Central African conflict

The Central African Republic conflict is not only the final act of thirty years of bad governance that started with the botched democratization process in the 1990s. It is first and foremost the symptom of the geopolitical shifts underway in the region : the progressive crumbling of the Chadian and Sudanese states and the movement of pastoralist communities from the Sahel to the edge of the Congolese tropical forest. These geopolitical shifts are not only causing havoc in the Central African Republic, they are also transforming the Central Africa region.

Since the start of this century, the involvement of Chadian and Sudanese militiamen into the Central African conflicts has increased. It demonstrates that the Chadian and Sudanese régimes are losing control over their rebellious peripheries and co-rule these territories with non-state armed groups. Nowadays these peripheries constitute a vast lawless area that incorporates the Central African Republic.

Pastoral farming has become a major security issue in the Central African Republic because of the regionalisation of this activity : the Sahelian pastoralist communities are gradually moving south to the Central Africa region. At the end of last century, the cattle migration from the dry land to the savannah was seasonal and temporary. But it is now opening up a new pastoral frontier in Northern Congo and transforming the settlement patterns in the North and East of the Central African Republic. This new climate migration from North to South is discreetly but surely redefining the regional geopolitical order : it causes land conflicts in the bush, it extends Islam into new territories and it is seen as an invasion by the local communities. As it is contesting the ecological, religious, political, social and economic border that divides the Sahel and Central Africa, the migration of the pastoralist communities to the South is a perfect recipe for more conflicts.

Cet article sur cairn.info (payant pendant trois ans, gratuit ensuite ; Attention : mise en ligne tardive)


L’institut Français de Géopolitique offre des formations de master intenses, exigeantes et passionnantes !

Hérodote est historiquement liée à la formation en géopolitique (master et doctorat) de l’Université Paris 8 — Vincennes - Saint-Denis, l’Institut Français de Géopolitique (IFG) où ont enseigné son fondateur Yves Lacoste, sa directrice Béatrice Giblin (également fondatrice de l’IFG), et une partie importante de l’équipe de la revue.

La première année est consacrée à la formation à et par la recherche, qui est au cœur du projet intellectuel et citoyen de l’École France de Géopolitique. Les étudiants et les étudiantes doivent écrire un mémoire de recherche d’une centaine de page appuyé sur une enquête de terrain d’un mois en autonomie. Un accompagnement fort leur est proposé pour favoriser leur réussite durant cette année si différente de leurs expériences précédentes.

En seconde année, quatre spécialisations professionnalisantes sont possibles : géopolitique locale et gouvernance territoriale, géopolitique du cyberespace, nouveaux territoires de la compétition stratégique, analyse des risques géopolitiques et environnementaux. Toutes ces spécialisations sont ouvertes à l’alternance, et la majorité des étudiants et des étudiantes a désormais un contrat d’apprentissage. Celles et ceux qui souhaitent faire une seconde année de recherche le peuvent, notamment en préparation d’un projet de doctorat.

Avec 85 places en première année, le master de l’IFG offre aussi une véritable vie collective de promo, animée notamment par une association étudiante dynamique. Les étudiantes et étudiants viennent de nombreuses formations et disciplines, notamment : géographie, d’histoire, de droit, de sociologie, de science-politique, Économie et gestion, langues (LLCE/LEA) ou de classes préparatoires.

Les candidatures en première année de master se font exclusivement via la plateforme nationale monmaster.gouv.fr du 26 février au 24 mars 2024. Toutes les informations utiles se trouvent sur le site www.geopolitique.net. En deuxième année, les candidatures doivent passer par le site de l’Université. L’IFG n’offre pas de formation au niveau licence.

  • Les Auteurs

    Afficher les auteurs en cliquant sur l'initiale de leur nom :
    (Uniquement à partir du numéro 109, second trimestre 2003)
    A B C D E F G H I J K L M
    N O P Q R S T U V W X Y Z

  • Thèmes envisagés

    Thème (date de rendu des articles)
    - Bassin de la mer Rouge (non déterminé)
    - Climat et Géopolitique (non déterminé)
    - Aérien et spatial (non déterminé)… Lire la suite.

  • Abonnements

    « Papier » uniquement :

    - Télécharger et imprimer un bulletin d'abonnement

    « Papier » + accès numérique :
    - via cairn.info

  • Trouver Hérodote

    - En version « papier » dans votre librairie : voir lalibrairie.com ou placedeslibraires.fr.
    - En version html et PDF, à l'article ou au numéro sur cairn.info.
    - Dans les bibliothèques universitaires : voir les disponiblités (sudoc).
    - Les numéros anciens et souvent indisponibles sont sur Gallica, le portail de la BNF.

  • Newsletter

    S'inscrire à la newsletter (uniquement les publications d'Hérodote ; désormais distincte de celle de l'Institut Français de Géopolitique).

  • Nous écrire

     
      Questions sur les abonnements